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L'actu d'Arvalis Fraîcheur, gelées, stress hydrique : quels risques sur céréales à paille ?

De nombreuses gelées sont intervenues depuis une dizaine de jours sur des céréales à paille qui se trouvaient à des stades très variés. Leurs conséquences dépendent de leur intensité et du stade des cultures lors de leur survenue. A cela se rajoute un stress hydrique significatif et croissant qui touche les zones les plus sèches et les parcelles les plus superficielles.

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Depuis la mi-mars, la France vit un scénario climatique particulier. Il a peu plu et de manière très inégale, avec des pluies qui sont intervenues pour l’essentiel entre le 15 et le 25 mars. Le stress hydrique apparaît localement, y compris sur des sols profonds. Pour le moment, l’alimentation en eau des cultures ressemble à celle observée en 2011 à date identique. On retrouve aussi des carences azotées induites, causées par le manque d’eau depuis le dernier apport d’azote. 

Il a fait plus chaud que la normale entre le 15 mars et le 15 avril (+ 1,7°C en moyenne), avec de fortes amplitudes thermiques particulièrement marquées au nord et à l’est du territoire. Les températures ont brutalement chuté depuis le 18 avril, occasionnant des gelées, plus marquées dans la moitié nord-est. Des records de températures minimales ont même été battus pour un mois d’avril : - 8,8°C à Mourmelon (51), - 5,4°C à Beauvais (60), - 4,4°C à Arras (62).

Figure 1 : Positionnement de l'année sur un référentiel depuis 1996, en fonction des températures et précipitations enregistrées entre le 10 mars et le 24 avril (pour 60 stations météo) (©Arvalis)

Stades : des céréales entre 2 nœuds et épiaison

Actuellement, les céréales d’hiver sont en milieu (nord France) ou fin de montaison (centre), voire épiaison (sud). Les orges d’hiver ont dépassé le stade dernière feuille pointante (DFP) dans les principaux bassins de production et se rapprochent de la méiose et du gonflement ; l’épiaison est atteinte ou dépassée au sud. 

Compte tenu du profil de l’année (levées difficiles, faible cumul de températures en début et milieu d’hiver), les apex n’ont pas forcément eu le temps d’initier de nombreuses ébauches de feuilles avant la transition florale. Il ne serait pas surprenant, pour des variétés précoces ou très précoces, que les stades DFP arrivent plus tôt que prévu. Il est donc important de vérifier quelle feuille est en train de sortir lorsqu’on dépasse le stade 2 nœuds, notamment pour optimiser la protection fongicide.

Quatre types d’accidents possibles

Avec cette séquence climatique, quatre accidents sont à craindre : la carence azotée induite par le manque de pluie, le stress hydrique, le gel d’épis et la stérilité des épis.

Une carence azotée induite par le manque de pluies

La carence azotée induite apparaît lorsqu’il n’y a pas eu assez de précipitations pour dissoudre, diffuser et faire absorber l’azote apporté par les engrais. Cette année, les pluies ont été suffisantes début voire mi-mars ; par contre, depuis le 10-15 mars au nord, les conditions sont devenues nettement suboptimales pour une bonne valorisation des apports (Cf. Fertilisation azotée du blé : quelle stratégie adopter en conditions sèches ?). Quelques conditions ont néanmoins pu atténuer partiellement les défauts d’absorption d’azote depuis le stade épi 1 cm : 

Il est important d’évaluer la situation avant de mettre en œuvre un outil de pilotage. En effet, celui-ci peut réaliser un diagnostic réel de carence azotée, mais la traduction en termes de dose à apporter nécessite de prendre en compte des quantités d’azote issues du précédent apport et encore présentes dans le sol, en attente de conditions hydriques plus favorables pour être absorbées.

Un stress hydrique pénalisant s’il perdure

Le stress hydrique est estimé par la quantité d’eau qu’il a manquée à la culture pour élaborer sa biomasse. Ce déficit hydrique est présent voire important essentiellement à l’est, et dans certains secteurs aux sols peu profonds : Charentes, Pays de Loire, Berry, Lorraine. On peut comparer la situation à 2011, où les cultures en sols superficiels avaient beaucoup souffert, alors que celles en sols profonds avaient très bien résisté. Quelques pluies sont annoncées pour les prochains jours, mais les cumuls restent faibles à modérés. Cela ne va cependant pas rétablir la situation pour les parcelles superficielles. L’apparition d’un stress hydrique précocement pendant la montaison va avoir plusieurs conséquences :

Figure 2 : Déficit hydrique estimé au 01/05 pour les sols les plus superficiels localement en 2017 (à gauche) et en 2011 (à droite) (©Arvalis)

L’irrigation peut apparaître nécessaire lorsque le matériel et l’eau sont disponibles ; elle permettrait de lever le stress hydrique et de rendre l’azote disponible. Toutefois, un risque d’impact négatif existe avec les températures matinales très fraîches.

Gel d’épi : le diagnostic nécessite de décortiquer les plantes

Le gel d’épi peut apparaître lorsque les températures négatives atteignent des niveaux générant des dégâts sur épi non réversibles. Le seuil de température est variable au cours de la montaison, et non défini précisément. Nos références historiques indiquent que, pour des céréales autour de 2 nœuds, des températures inférieures à - 2°C (sous abri) peuvent être source d’alerte (pas forcément de dégâts). Ce seuil remonte progressivement lorsque les stades avancent. Néanmoins, il ne faut pas oublier les conditions d’apparition de ces températures basses : la semaine dernière, il s’agissait de refroidissement de fin de nuit. Il est donc rare que ces gelées durent plus d’une ou deux heures. À ce titre ce sont probablement les orges d’hiver qui sont le plus exposées. Les dégâts seront visibles dès l’épiaison (épillets blanchis/desséchés). Des conditions aggravantes doivent être à tout prix évitées dans ces circonstances :

Les premiers retours de nos équipes régionales semblent indiquer qu’il n’y a pas de dégâts généralisés, de grande ampleur, malgré les températures fréquemment mesurées en-dessous sous abri de 0, voire - 5°C (figure 3). Si crainte il y a, il faut réaliser un diagnostic en priorité dans les situations les plus à risque : les cuvettes et les fonds de vallées, les versants nord et les zones ombragées. Il faut prélever plusieurs plantes, plusieurs tiges, et observer l’épi (qui mesure entre 1 et 10 cm selon le niveau d’avancement de la montaison) en coupant la gaine. S’il est nécrosé, qu’il a perdu son aspect brillant et turgescent, il est probable qu’il ait été détruit par le gel. Attention, un examen trop rapide dans de mauvaises conditions de luminosité va conduire souvent à un diagnostic erroné, en déclarant un épi détruit alors qu’il ne l’est pas.

Figure 3 : Température minimale atteinte entre le 15 avril et le 1er mai 2017. (©Arvalis)

Des problèmes de fertilité possibles pour les orges les plus précoces

Plus tard au cours de la montaison (après Dernière Feuille Étalée), durant une courte période (48 à 72 h) qui correspond au stade méiose, les cultures sont plus fragiles et peuvent subir des dégâts lorsque les températures sont basses et si les rayonnements sont très faibles. Ce stade pour les blés survient lorsque le sommet de l’épi est encore dans la gaine et atteint la ligule (base) de l’avant dernière feuille.

Ce risque ne peut concerner pour le moment que des orges d’hiver très précoces au nord, ou des blés au sud. Le phénomène n’a pas été étudié spécifiquement sur orge, mais on peut se reporter aux connaissances acquises sur blé : le défaut de rayonnement est prépondérant sur la température, le seuil thermique est sans doute inférieur à 0°C, et il existe un facteur variétal important. Dans les conditions de l’année, on peut craindre des températures pénalisantes, mais elles sont intervenues avec des rayonnements importants : ce type d’accident est peu probable et ne devrait concerner que des cas isolés de parcelles très exposées au froid (bords de bois, fonds de vallée, versants exposés au nord). Dans ce cas, les dégâts éventuels ne seront observables à l’œil que tardivement après la formation du grain et se traduiront par des épillets vides de grain (absence de fécondation). Au laboratoire, l’observation des étamines est possible dès l’épiaison, mais très fastidieuse.

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